| Monsieur Philippe Remacle Monsieur Remacle, Ce samedi, je devais tourner un court métrage. Je l’ai écrit, et je m’apprêtais à le tourner. Je n’ai pas forcément pensé à vous pendant que je préparais ce tournage. Et pourtant, vous étiez là, à chaque instant. Chaque fois qu’une nouvelle lubie artistique me venait en tête, vous étiez là. Parce que oui, des lubies artistiques, je les accumule depuis un moment. C’en est même devenu mon métier, d’imaginer des trucs un peu fou, de partager mes idées à mes proches, de les voir lever les yeux au ciel, et puis de les faire malgré tout. Oui, je suis aujourd’hui comédien, metteur en scène et puis apparemment, réalisateur. Chacun ses choix. Ce sont les miens après tout. Mais ça ne m’est pas venu du jours au lendemain. Et si vous m’aviez vu à treize ans, vous vous seriez dit que ça ne devait jamais venir du tout. Et pourtant, je suis bien là, à écrire sans cesse de nouvelles choses. Cette dépendance à la force des mots, à l’amour de l’art, à la création tout simplement, je vous la dois entièrement. Si j’ai un jours rêvé de vivre de ma passion, vous m’avez donné toutes les clefs pour y arriver. À treize ans, j’étais timide, renfermé, pas sûr de moi et aujourd’hui,... bon je suis toujours timide, renfermé et pas sûr de moi, mais par contre, cet amour de l’art, je ne l’avais pas et personne ne me l’a mieux transmis que vous. J’avais si peur de parler à plus de trois personnes, et vous, vous m’avez obligé à parler devant des dizaines des camarades de classe, des milliers dans ma tête. Qui pourrait croire que parler devant des gens, ça pouvait être amusant ? Pire, que ça pouvait vous libérer. Jouer, c’est devenir libre. Écrire, c’est se libérer et libérer les autres. Vous avez passé des heures à écrire des textes, juste pour nous, vous avez perdu des heures à nous regarder massacrer ce même texte, gratuitement, en dehors de vos heures de cours, sans grimacer, mais au contraire en nous donnant vos conseils. Vous avez monté chaque année vos projets théâtraux. Et avec quelle plume, quel talent. Comment est-ce possible que ce talent n’aie pas émergé bien au-delà des écoles ? Vous avez passé du temps pour nous, des centaines d’heures. Je le sais, j’écris moi-même pour des élèves aujourd’hui, je sais le temps que ça prend, et je sais qu’on le fait pour rien, que vous l’avez fait pour nous, juste pour nous, comme je le fais aujourd’hui juste pour eux. Mes souvenirs de secondaire, c’est vous. Cosinus, sinus peut-être, mais parlez moi plutôt de « Comédienne » ou « la vieille » mon tout premier rôle,.. Ce n’est « que » du théâtre diraient certains. Des vieux cons si vous voulez mon avis. C’est du théâtre, oui et ce théâtre, c’est une fierté, c’est ma vie et c’était aussi la vôtre. Vous m’avez dit lors ma dernière pièce avec vous, lors de ma dernière année à Saint Roch, que je me souviendrai de mes secondaires par ces moments scéniques. Vous aviez à moitié raison. Je me souviens tout autant de mes années sur scène que je me souviens de vous. Saint Roch, c’était vous. Vous avez permis de faire de mon rêve une réalité. Vous avez toujours été là. Et aujourd’hui, alors que je devais tourner mon premier court métrage, vous êtes là. Près de moi. Vous m’avez libéré, comme tant d’autres avant moi, comme tant d’autres après moi. Alors de fait, vous vous êtes fait une place de choix dans mon cœur, dans mon esprit. Monsieur Remacle, vous êtes mon mentor et vous resterez mon mentor à tout jamais. Je ne crois pas à l’au-delà, je ne crois donc pas que votre vie se prolonge dans un endroit avec des gens sur des nuages, et un mec barbu qui vous dit ce qui est bien ou est mal. Par contre, je crois qu’on ne cesse jamais d’exister tant qu’il y a une personne pour penser à vous. Vous étiez là hier, vous étiez là aujourd’hui pour mon tournage, et vous serez donc là demain, puisque demain, c’est montage, et que j’ai pas envie de me farcir ça tout seul. Merci monsieur Remacle. Merci l’artiste. Merci l’homme. Merci, simplement.
Tintin Georges.
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