Monsieur Jean GUSTIN
Le Révérend Père Jean Gustin, je ne l'ai, hélas, connu qu'un an : celui que j'ai passé dans sa classe de rhétorique, à Mons, en 1967-1968. Mais cette seule année a suffi pour qu'il me marque à vie. Selon l'usage du "titulariat fort" de l'époque, il fut, tout au long de ces dix mois, mon professeur de français, de latin, de grec, d'histoire, de religion, d'art dramatique - et j'en oublie - avec un tel brio, une telle humanité, une telle intelligence, une telle audace... que c'est lui qui a définitivement scellé ma vocation d'enseignant. C'est lui aussi qui, grâce à la pièce de Shakespeare "Le Marchand de Venise", m'a fait monter sur les planches pour la toute première fois et m'a ainsi donné la passion du théâtre... que je n'ai dès lors plus jamais cessé de pratiquer avec mes collègues et mes élèves durant mes trente-trois de carrière en tant que professeur de français à l'école des Filles des Marie de Pesche. Le Père Gustin fut toujours pour moi la référence absolue, l'idéal même du pédagogue, que, par définition, on n'atteint jamais mais qui reste le but à poursuivre, le chemin par excellence. Lors d'un inoubliable voyage en Italie - Milan, Assise, Naples, Paestum, Pompéi, Rome... et j'en passe -, il avait été un guide étonnant de culture ; il nous avait fait répéter une scène de Shakespeare au théâtre antique d'Ostie... et, vingt-cinq ans plus tard, je lui rendais secrètement hommage en jouant avec mes élèves, sur le site du théâtre antique de Delphes, une scène de la pièce que je mettais en scène en 1993. Bref, le Père Gustin, bien que je ne l'aie revu qu'à une seule et très rapide occasion lors de la pièce des rhétos de 1969 et malgré qu'il ne l'ait jamais su, a été mon mentor, mon modèle, mon maître... et je lui dois une immense reconnaissance. Mais Monsieur Jean Gustin a également toute mon admiration ! Qu'il ait eu le cran de renoncer au statut et à la réputation qui étaient les siens au sein de la Compagnie de Jésus et de recommencer sa vie à zéro pour vivre avec la femme qu'il aimait et lui donner des enfants, ce fut pour moi une des plus belles preuves de son courage, de son indépendance d'esprit, de son honnêteté, bref de l'excellence de son humanité ! Merci, Jean Gustin, d'avoir été tout ce que tu voulais être !
|